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L'étudiante volante

27 janvier 2012

De la turpitude du bobo

Il y a 12 ans, le bobo est né. Le bobo chantait la vie, sa joie d'exister, se pavanait, s'affichait partout et, comble de la gloire, même Renaud chantait le bobo.
Seulement voilà, en 2012, en pleine campagne présidentielle, force est de constater que les beaux jours du bobo sont derrière lui et qu'il est désormais un paria. Alors qu'on se réclamait bobo au début des années 2000, c’est désormais un terme auquel personne ne souhaite plus être associé.

Ma question du jour, question qui revient occuper mon esprit à chaque nouvel acharnement et déferlement de violence verbale de mes contemporains, est la suivante: pourquoi tant de haine?

 

Back to basics: Qu'est-ce que le bobo?

 

Durant son âge d'or, le bobo n'a pas reçu l'insigne honneur d'être défini par l'Académie française, je me vois donc contrainte de le définir par des sources moins fiables. Notons que c'est là que commence la malchance du bobo.

 Le terme bobo vient de la contraction bourgeois-bohème. Bobo c'est une catégorie sociologique, c'est une case pour ceux qui aiment que la Société soit bien rangée. D'autres vous diront que c'est une série de clichés, une pure invention au même titre que le hippster ou que monsieur-tout-le-monde, abstractions qui ne trouvent sans doute jamais leur expression dans la réalité, heureusement pour la race humaine.

Je vais simplement vous donner une liste d'adjectifs et mots-clefs que l'on accole le plus régulièrement au bobo, en espérant que cela suffise à vous donner une idée de son identité:

Le bobo vit à Paris, dans les IIe, IIIe, IVe, Ve, VIe et IXe arrondissements mais aussi dans le Xe, XIe, XIIe, XVIIIe, XIXe et XXe, il fait du vélib, mais il a aussi une bonne grosse voiture qu'il sort pour ses weekends en Normandie, le bobo vote à gauche, ou à droite, on ne sait pas trop, en tout cas le bobo prétend que son coeur est à gauche puisque c’est un ancien soixante-huitard même s’il n’était pas forcément né en 68, le bobo aime les pauvres et la mixité mais ses enfants sont dans le privé et le bobo est riche, le bobo n’écoute pas Johnny sauf pendant les mariages, il préfère Vincent Delerm, le bobo s’engage dans l’humanitaire, mais il part en vacances aux Seychelles, le bobo mange bio et porte du coton écolo, mais ne trie pas toujours ses déchets, le bobo fait partie de l’élite, le bobo dirige le monde, le bobo est parisien et réduit la France à Paris, le bobo fait du yoga, le bobo mange dans des restos tibétain, le bobo lit le Monde, Télérama, les Inrocks et Libé, le bobo a un boulot  intéressant qui garantit son épanouissement personnel, le bobo a un psy au cas où son boulot ne garantit pas tout à fait son épanouissement personnel, le bobo appelle ses enfants Ulysse et Louison, le bobo trouve dégueulasse qu’on fasse la guerre, qu’on dise du mal des arabes et que le gouvernement refuse de sortir du nucléaire . Le bobo est tout ça et plus encore, mais si je continue je risque d’y passer la journée.

the-kooples


L’essentiel c’est de savoir que maintenant, le bobo c’est le mal.
Le FN exècre les bobos de l’UMP, l’UMP se moque des bobos du PS et Mélenchon traite tout un chacun de bobo en grondant « qu’ils s’en aillent tous ».
Le grand malheur du bobo, c’est qu’en 2012 la mode est au populaire. En 2012 on achève des révolutions, on crache sur les banques et leurs élites qui mènent le monde à sa perte (le 21 décembre, faut-il le rappeler). En 2012 la mode est à l’envol des tabous et aux idées décomplexées : fini le politiquement correct, en 2012 on en a gros et on vote Marine. En 2012 on en a marre d’être pris par des cons et nul doute que si tout va mal c’est à cause de cette foutue oligarchie de bobos et d’hommes politiques qui manigancent dans leur coin. En 2012 y’en a marre de causer, il faut agir ! Le changement c’est maintenant !

Bref, le bobo urbain, érudit, humaniste et bien installé dans son F3 parisien devient par le fait l’homme à abattre.

 

 

 

Seulement voilà, j’ai la conviction que ce discours démagogue anti-bobo ne mène à rien.

Haïr le bobo, ça n’a pas de sens. Le bobo a certes son lot de contradictions qui le rend agaçant, mais en réalité le bobo c’est juste un type qui a réussi à obtenir ce à quoi beaucoup aspirent tout en n’ayant pas vendu son âme au diable pour y arriver.

Alors oui le bobo est énervant avec sa voix nasillarde, ses clichés, ses leçons de morale, et oui, le bobo ne souffre pas autant de la crise que l’ouvrier.

Mais le bobo est surtout inoffensif.

Le bobo n'est pas trader, le bobo n’est pas président ni premier ministre,  le bobo ne monopolise pas la presse au point qu’on puisse parler d’une pensée unique (au même titre que le JT de TF1 n’est pas une version moderne des diffusions de Big Brother puisque nul n’est tenu de le regarder et qu’il existe beaucoup d’alternatives), le bobo n’impose pas son mode de vie, le bobo n’a pas inventé la centralisation de la France, le bobo ne s’intéresse pas à la province mais pas plus que les provinciaux ne s’intéressent à Paris, le bobo ne défend pas des causes qui incitent à la violence et le bobo, de toute façon, n’existe pas vraiment.

Qu’on se le dise, le bobo comme bouc émissaire ne prend pas chez moi.
J’attends le jour où l’ennemi n°1 sera jugé non pas sur sa naïveté, ses contradictions inoffensives, ses goûts musicaux et vestimentaires, mais sur le contenu de ses discours, sa violence et ses fautes réelles.

 

 

 

 

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